- JING HAO et GUAN TONG
- JING HAO et GUAN TONGLa période des Cinq Dynasties a marqué le premier grand épanouissement du paysage chinois: quelques artistes éminents, tout d’abord Jing Hao et son disciple Guan Tong au Nord, et ensuite Dong Yuan et son disciple Juran au Sud, opérèrent la synthèse des expériences Tang en matière de paysage et élaborèrent la formule majestueuse et classique qui devait servir ensuite de canevas fondamental aux peintres des Song du Nord.Deux peintres de paysagesJing Hao est l’aîné de ce quatuor d’artistes dont on ignore, hélas, presque tout. Originaire du Henan, il avait une vaste culture littéraire; pour échapper aux troubles qui accompagnèrent l’effondrement de la dynastie Tang, il se réfugia dans un ermitage des monts Taihang. Le nord de la Chine se trouvait alors soumis à l’éphémère dynastie Liang, fondée par Zhu Wen, un aventurier équivoque, et ne put bénéficier de ce mécénat éclairé que prodiguaient à la même époque la cour de Shu au Sichuan et surtout celle des Tang méridionaux dans la région du Jiangnan.Si l’on en croit les quelques lignes laconiques des historiens anciens (on ne dispose d’aucune autre information biographique à son sujet), Jing Hao dut édifier son œuvre dans une solitude quasi complète, et n’eut qu’un seul disciple direct, Guan Tong (originaire de Chang’an). Au témoignage des critiques, Guan Tong égala son maître, mais cette grande figure reste également entourée d’obscurité. Avec l’âge, le style de Guan Tong évolua dans le sens d’une puissance de plus en plus décantée et condensée. Se concentrant exclusivement sur le paysage – inspiré par la nature robuste et austère qui l’entourait – Guan Tong abandonnait, dit-on, l’exécution des petites figures qui peuplent ses compositions à son collègue Hu Yi.Les œuvres attribuables à Jing Hao et à Guan Tong sont trop rares et incertaines pour permettre une analyse stylistique tant soit peu précise. En fin de compte, l’importance de leurs accomplissements est peut-être le mieux saisie par le truchement de leurs successeurs: la pleine maturité que montre un Fan Kuan, par exemple, représente en fait l’aboutissement de leurs créations.Notes sur la peintureUn autre aperçu sur la nature profonde de l’art de Jing Hao et de son disciple est encore fourni par un traité théorique composé par le premier, les Notes sur la peinture (Bi fa ji ). Ce court ouvrage, dont on possède diverses versions assez corrompues, a soulevé de vives discussions; certains critiques ont mis en doute son authenticité et veulent voir en lui un faux qui devrait être postdaté jusqu’à l’époque Ming! En fait, de nombreuses preuves tant internes qu’externes semblent justifier son attribution à l’époque des Cinq Dynasties.Ce traité est remarquable à plusieurs égards: la profondeur philosophique de ses vues fut rarement égalée dans cette littérature esthétique chinoise pourtant si abondante et riche; en outre, l’ouvrage est composé d’une manière synthétique et systématique, passant tour à tour en revue une série de problèmes philosophiques (nature et signification de l’activité picturale), critiques (catégories qualitatives et théorie des fautes), techniques (préceptes d’observation sur le motif) et historiques (esquisse d’une histoire de la peinture, à travers les artistes les plus représentatifs, qui font chacun l’objet d’un jugement critique).Plusieurs passages du traité sont particulièrement révélateurs de l’orientation nouvelle prise par la peinture des Cinq Dynasties, et reflètent la prépondérance donnée maintenant au paysage sur la peinture de figures, la prépondérance de l’encre sur la couleur, la prépondérance de l’expression de la «vitalité intérieure» sur les anciennes exigences de ressemblance formelle. Les jugements que Jing Hao formule sur ses devanciers ne sont pas moins significatifs: la figure prestigieuse de Wu Daozi envisagée maintenant du point de vue de l’art nouveau – le paysage animé par les seules tonalités du lavis – ne sort plus indemne de cette réévaluation et paraît déficiente dans le domaine des techniques de l’encre.Le seul maître ancien pour qui l’auteur montre une admiration sans réserve est Zhang Zao, le solitaire inspiré qui revendiquait pour seuls maîtres «au-dehors de moi la nature, en moi la source de mon cœur».
Encyclopédie Universelle. 2012.